JOUVE Edmond

Lot. Edmond Jouve, le temps des confidences

 

Professeur émérite de l'université Paris-Sorbonne, Edmond Jouve est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le tiers-monde et les relations internationales.

Edmond Jouve « au hameau de Cassagnes qui m'a vu naître »
Edmond Jouve « au hameau de Cassagnes qui m’a vu naître » (©A. Décup)

Professeur émérite de l’université Paris-Sorbonne, Edmond Jouve est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le tiers-monde et les relations internationales. Son amour indestructible du Quercy imprègne ses mémoires qui viennent de paraître.

« L’automne est ma saison préférée. Pour ses ombres et ses lumières, ses mille chuchotements, ses veillées autour de l’âtre, ses longues tables chargées de châtaignes ou de noix, de cèpes ou de girolles ». Ainsi coule la dernière œuvre d’Edmond Jouve : « Les Cornouillers ont refleuri » (l’un des trois tomes de ses Mémoires). Le long d’une suite autobiographique, l’enfant de la Bouriane relate les us et coutumes du Quercy du début du XXe siècle.

Avant les Trente Glorieuses, c’est l’ère où l’eau ne coulait pas au robinet, où les bœufs s’essoufflaient en tirant la charrue, où les graillons remplissaient l’estomac des laboureurs harassés, où les draps trempaient dans les eaux limpides de la Dordogne pour retrouver leur blancheur d’antan.

Edmond Jouve est un politologue qui a choisi « de faire carrière à Paris ». Né à Nadaillac-de-Rouge, près de Souillac, il chante le charme et les richesses de « l’arrière-pays » qui est le sien. L’écrivain lui donne dans cet ouvrage, une place éclatante, celle d’aujourd’hui mais surtout celle d’hier que « les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ».

« Issu de cette terre, c’est vers elle que je souhaite retourner lorsque le moment sera venu »

La relation qu’a, toute son existence, entretenu l’homme de terroir avec le Lot, est un perpétuel mouvement d’allers et retours, entre ses missions internationales et son besoin de retrouver la vie qui palpite toujours sur les terres de son enfance. D’y saisir dans la contemplation, un paysage façonné par les générations, la trace des siècles passés.

Et de nous faire partager ses émotions. Rencontre avec ce pèlerin planétaire qui dans son œuvre, exprime la tension féconde entre le local et l’universel, entre l’Ici et l’Ailleurs. En cela, Edmond Jouve est passeur d’avenir.

L’on ressent en vous « un enracinement charnel » à votre pays de naissance. Ces mots ne sont-ils pas exagérés ?

Je ne crois pas. Issu de cette terre, c’est vers elle que je souhaite retourner lorsque le moment sera venu, à l’ombre de mon clocher. J’ai à l’égard de mes Anciens, des obligations particulières, sacrées à mes yeux.

Ainsi, ma vie accomplie, je reviendrai à mon point de départ.

Ma longue fréquentation de l’Afrique explique peut-être que je sois particulièrement attaché à ceux qui m’ont précédé et dont les traces se trouvent à Nadaillac. Tout me parle d’eux : les bâtiments qu’ils ont construits, les terres qu’ils ont travaillées, les arbres qu’ils ont plantés. Au fond, mon ambition est de fermer le maillon d’une chaîne qui s’est constituée depuis des siècles.

Vous êtes un amoureux du Quercy dont la fibre viscérale est indestructible. En quoi ce pays est-il intemporel ?

En effet, ce pays échappe au temps. Il est en quelque sorte en dehors de la durée, il relève de l’éternel, de l’impérissable.

L’écrivain quercynois écrit que notre pays « offre un spectacle permanent, une éternité d’un instant ». Un autre qu’il s’agit « d’un territoire d’univers labouré par l’absence ». En réalité, ce pays offre une synthèse de tous les temps, de toutes les époques rendues présentes dans l’instant. Du statut du prédateur à celui du producteur, de chasseur-cueilleur, l’homme est devenu agriculteur-éleveur. On peut penser que, s’il a utilisé l’abri sous roche, c’est qu’il y avait d’abord de l’eau puis du gibier, des champignons et de nombreux fruits.

Ainsi, au moins depuis le néolithique, des hommes et des femmes ont effectué le même parcours que moi. Le voilà bien ce pays intemporel qui paraît ne pas avoir bougé depuis si longtemps et qui, dès lors, nous fait entrer dans des parcelles d’éternité.

« Cette sensation mystérieuse de vivre dans le Lot est une affaire intérieure » rapporte à votre sujet, l’auteur Annie Briet dans « Écrire le Lot ». Comment cette terre du Quercy nourrit-elle votre vie intérieure ?

En dépit de la vie trépidante que j’ai menée dans les universités, associations ou voyages, me reste-t-il une place pour une vie intérieure, pour le monde de l’intime ? Certainement. C’est en moi-même que je trouve les ressources nécessaires qui me font échapper à la frénésie du moment. Nadaillac me permet de revenir à mes sources originelles (calme, patience, joie de vivre) dont j’ai bien besoin quand les pressions se font trop vives. Ces sentiments ne me quittent pas.

Vous êtes un auteur chrétien. La foi en Dieu dans ces terres radicales n’est-elle pas particulière ?

J’ai voulu concilier la foi de mes ancêtres et mes aspirations à une vie meilleure pour le plus grand nombre. J’étais comme on disait alors, « un catho de gauche ». Mes années de lycée m’y ont aidé. J’ai appartenu à la JEC (Jeunesse Étudiante Chrétienne) qui m’a conforté dans mes choix, aidé par des aumôniers de qualité (les abbés Siau, Tulet, de Segonzac, de Labarrière). Ils m’ont appris à ne pas rester spectateur mais à agir pour faire avancer le Royaume de Dieu. D’où mes engagements à l’UNEF, mes prises de position contre la guerre d’Algérie. D’où mon militantisme dans les Jeunesses Mendèsistes, mon adhésion au PSU et ma candidature dans le Lot en 1968 à la demande de Michel Rocard. Parallèlement, j’ai accepté d’exercer des responsabilités au sein de l’aumônerie des lycées du Quartier latin à Paris.

« Notre Dame de Rocamadour, une femme à qui je dois beaucoup » confessez-vous dans votre ouvrage. Pourquoi ?

Dans quelques périodes difficiles de ma vie, je suis allé la prier. Jamais en vain. J’ai toujours été exaucé. Chaque fois, j’ai tenu à la remercier en allant à pied de Nadaillac à Rocamadour, même si la troisième fois, j’ai dû déclarer forfait au bout de quelques kilomètres.

Quels auteurs vous accompagnent ?

Professeur pendant une trentaine d’années, je ne vous cacherai pas que Maurice Duverger et André Sigfried restent les inoubliables de mon enseignement socio-politique. Mais, quand je reviens à Nadaillac, « Le grand Meaulnes » est le livre que je relis avec le plus d’intérêt. Ce royaume enchanté que j’ai, moi aussi, découvert ici, reste toujours sur ma table de chevet.

Qu’aimeriez-vous qu’on dise de vous après avoir lu ce livre ?

Souhaitant introduire une part de justice dans les relations internationales, j’ai essayé lors des voyages dans le tiers-monde, d’être l’avocat des laissés-pour-compte et des causes souvent désespérées. C’est la même foi de la JEC (avec pour devise : agir) qui est restée la mienne qui m’a conduit sur ces « chemins des périphéries » sensibles au pape François.

ANDRÉ DÉCUP

 

 

site de son éditeur : http://www.edicausse.fr

 

Edmond Jouve, passeur d’avenir

, par Gilles Chevriau

https://www.edicausse.fr/Edmond-Jouve-passeur-d-avenir.html

Edmond Jouve, grand commis voyageur du Droit international, s’est toujours attaché à ne jamais oublier son village de Nadaillac-de-Rouge (Lot) dont il connait chaque parcelle et les traces de toute vie.


Que dire de ses "Mémoires" ? La somme est monumentale et le lecteur pourra suivre notre homme dans les 128 pays traversés, partager les milliers de rencontres, d’enseignements, de conférences ...


Mais rien ne lui fera perdre son indéfectible amour pour le berceau familial décrit dans le tome Premier.
Le tome 2 évoque les rencontres auxquelles il s’est longuement préparé depuis la Communale jusqu’à la Sorbonne.
Quant au tome 3, c’est un florilège de ses plus beaux souvenirs photographiques.

 

La Dépêche du Midi - paru le 12 décembre 2019

https://www.edicausse.fr/Edmond-Jouve-passeur-d-avenir.html