INTERVIEW

Philippe De Riemacker parrain de La Truffière aux Livres

 

L’écrivain belge présente son nouveau roman à Rocamadour, lors du salon littéraire francophone.

Philippe De Riemacker, parrain de la 17ème édition de « La Truffière aux Livres » (salon du livre francophone), est écrivain belge et citoyen d’honneur de Rocamadour. Il présentera et dédicacera son dernier ouvrage : Le Sommeil interdit.

Le président de ROCA-livre l’a interviewé :

Bonjour Philippe, merci de nous recevoir. Je ne vous demanderai pas si vous connaissez notre Cité, je sais par avance que vous l’aimez.

1 - Pour commencer simplement, pouvez-vous revenir sur votre parcours et nous expliquer ce qui vous a guidé vers l’univers artistique et culturel ?

En vérité, je ne me souviens plus de mes premiers écrits. J’ai toujours aimé la poésie, le rythme des mots lorsqu’ils forment une sorte de mélodie. Il existe toutefois un souvenir marquant. C’était en quatrième ou cinquième primaire, alors que l’étude battait son plein, la surveillante, une femme autoritaire excellant dans les punitions interdites de nos jours, inspectait la concentration des élèves. Elle s’est approchée de mon pupitre avant de m’arracher la feuille sur laquelle je gribouillais une piètre poésie. Je me savais en faute, pris en flagrant délit de fuir mes devoirs. J’attendais une volée de gifles et pourtant, le pion s’est retourné en quémandant l’attention de la classe. À ma stupéfaction, elle a dit : « Nous avons un poète dans cette classe, je vous prie de le respecter. »

Plus tard, vers mes seize ans, j’ai eu le culot de pousser les portes de la Maison de la Culture de Namur pour y déposer mes poésies. C’est là que j’ai rencontré la poétesse Louise Marie Danhaive qui m’a pris sous son aile. Elle m’a appris l’humilité, le sens du travail et la sculpture des mots.

2 - Aujourd’hui, comment définiriez-vous votre identité culturelle ? En d’autres termes, quelle empreinte souhaitez-vous laisser ?

Bigre, voici deux questions pointues.

À la première, je vous répondrai que je n’en sais rien. J’ai été bercé par Brel et cette période pendant laquelle le verbe prenait tout son sens. J’ai rencontré Julos Beaucarne et d’autres gens extraordinaires. Mon identité est belge et j’en suis fier, mais je refuse de me réfugier sous un clocher. J’aime la France de façon déraisonnable, la francophonie dans son entier. En fait, je crois que j’aime en priorité l’humain.

Pour la seconde, j’ai déjà laissé mon emprunte en offrant à la vie cinq superbes petits-enfants.

3 - J’imagine que le milieu culturel n’est pas toujours simple. Quels grands défis avez-vous rencontrés dans votre parcours artistique, et comment les avez-vous transformés en force ?

Mes origines portent le multilinguisme. Mon père était flamand, ma mère francophone de Flandre. Chez nous, la langue française n’était pas usitée à la perfection, mais elle était aimée. J’ai gardé en moi cette difficulté de ne pas pouvoir puiser dans mes racines pour exceller dans ma façon d’écrire. C’est une faiblesse, mais aussi une force parce qu’elle m’offre une forme de liberté. Par liberté, j’entends : retrouver des racines perdues, changer le rythme d’une phrase en respectant les règles, oser inventer un mot et, pourquoi pas, offrir du rêve lorsqu’il est possible de le faire. Mais c’est un défi pour la simple raison que le français, en ce qui me concerne, n’est pas inné. Les langues se mélangent dans ma tête.

4 - Et si l’on se projette, comment imaginez-vous l’avenir de la scène culturelle, ici comme ailleurs ?

Comment puis-je répondre à cette question sans paraître présomptueux ? Mon avenir proche m’entraîne vers des contrées lointaines : l’Algérie, le Sénégal et, plus proche, Disset, Mons, Namur. Je vis un rêve éveillé grâce en grande partie à ma maison d’édition. Je savoure chaque jour cette chance, conscient que rien n’est acquis. Mais si je suivais mes rêves, je monterais sur scène pour partager la poésie avec le plus grand nombre. Ce projet prend forme, il est déjà écrit en grande partie, mais j’aspire à ce qu’il ne soit pas monotone. Le titre ? Et moi je suis tout nu.

5 - Sur un plan plus personnel, quels artistes, écrivains ou musiciens nourrissent votre inspiration ?

Pour la musicalité et la poésie : Brel, Léo Ferré, Eric Bettens, Lieve Taverniers, Julos Beaucarne et l’incontournable Annie Cordy. Pour l’écriture, Victor Hugo sans la moindre hésitation. Ceci écrit, il y en a tant. J’ai été bercé par Henry Verne, j’adore Gilles Legardinier. La liste est infinie.

6 - Y a-t-il une œuvre qui a, un jour, bouleversé votre rapport à la culture ?

Le Petit Prince. Les Misérables. Il faut se rendre compte qu’Hugo écrivait à la plume. Pas de PC, pas de Google et pas de téléphone.

7 - Qu’aimeriez-vous que le public ressente en découvrant votre travail ? Et quel message souhaitez-vous adresser à celles et ceux qui vous suivent ou vous découvrent aujourd’hui ?

J’espère que le public ne se sente pas lésé en achetant l’un de mes livres.

Si je voulais transmettre un message, il serait : que la vie est éphémère et qu’il est important de positiver les choses. Ne jugez pas, un destin n’est pas l’autre et vous ne connaissez jamais le vécu de ceux que vous blâmez.

8 - Enfin, parlez-nous de votre dernier ouvrage, Le Sommeil interdit, marqué par une forte dimension historique et une écriture soignée.

Tout a commencé par une journée en compagnie de mes petits-enfants. Nous suivions un jeu de piste marqué par de nombreuses croix de gueules. Nous avons vécu une journée en chevaliers. Ensuite, par curiosité, j’ai commencé quelques recherches et la plume s’est mise à gesticuler. J’ai pris un immense plaisir à écrire ce livre, malgré ses défis. Les personnages n’en faisaient qu’à leur tête et j’avais beau faire preuve d’autorité, toujours ils trouvaient une façon détournée d’orienter l’histoire à l’opposé de ce qui avait été prévu. L’écriture a été plus ou moins rapide et le travail qui a suivi a demandé pas mal d’énergie. Il fallait vérifier chaque source, revisiter les lieux pour confirmer que je ne m’étais pas trompé. Ensuite, un travail de confiance entre la maison d’édition et moi-même s’est mis en place de façon naturelle. Mais si le Lion Z’ailé m’a répondu avec enthousiasme, je ne compte plus le nombre de maisons qui ont refusé le manuscrit. Merci au Lion pour cette superbe aventure.

Par avance merci.

Merci à vous.

Bernard Jamin